Traduire l'invisible (1)

De Rich Annotator System
Anikó Ádám : Traduire l'invisible

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Dans Le Horla, le narrateur se trouve en présence de l'innommable, de l'indescriptible. Pour créer un monde fictif littéraire, l'écrivain a plusieurs moyens d'établir l'identité des objets et des personnages ; en premier lieu, il les nomme, ensuite il les décrit. Qu'est-ce qui se passe dans un texte où ces deux moyens ne peuvent pas fonctionner, où le narrateur ne peut pas décrire un être parce qu'il ne le voit pas et ne peut pas davantage le nommer parce qu'il ne le connaît pas ?

Dans le premier temps de ce récit, pour nommer le phénomène surnaturel, le narrateur répète six fois le pronom indéfini « on ». Ensuite le narrateur devient hésitant à propos de sa propre identité et de l'identité du phénomène et continue à utiliser le pronom « on ». Ce pronom à signification générale devient après « il », ensuite c'est l'Être lui-même nommé par le narrateur Horla.

Le pronom « on » est un élément vide qui recouvre une troisième personne sans genre et sans aucun caractère particulier. En même temps, ce même pronom représente souvent, dans le langage quotidien, les pronoms personnels de la première et de la deuxième personne. L'usage de ce pronom augmente donc encore plus l'ambiguïté et multiplie les possibilités de signifiés. Nous avons ainsi deux possibilités concernant la signification du pronom « on », sans que nous ayons à faire un choix : ou bien ce « on » représente le narrateur atteint de troubles mentaux, ou bien « on » évoque un être animé et inconnu.

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