Le fantastique dans l'art

De Rich Annotator System

L'exclusion du réel

Le domaine de l'art fantastique, de prime abord, semble indéfiniment extensible. Dans les ouvrages qui lui sont consacrés, figurent aussi bien des chapiteaux romans et gothiques, des monnaies grecques et gauloises, des sculptures primitives, archaïques ou naïves, des symboles astrologiques ou alchimiques.

Parfois, la part de l'ethnographie est prépondérante (avec des objets, des motifs, des masques provenant de la Nouvelle-Guinée, du Mexique, du Bénin, du Kafiristan, de l'Afrique occidentale, etc.). D'autres fois, des tapisseries médiévales voisinent avec des miniatures orientales, avec des images d'Épinal, des cartes postales, des peintures d'aliénés et des illustrations d'œuvres littéraires.

Dans ces conditions, il devient évident que le sens du terme « fantastique » est purement négatif : il désigne tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, s'éloigne de la reproduction photographique du réel, c'est-à-dire toute fantaisie, toute stylisation et, il va de soi, l'imaginaire dans son ensemble. Pour la littérature, l'application du même principe, qui consiste à se garder de partir d'une définition préalable, conduirait à rassembler dans une anthologie fantastique, pêle-mêle, l'Apocalypse de saint Jean et les Fables de La Fontaine (puisque les animaux y parlent), un conte d'Edgar Poe et Gargantua, un procès-verbal de l'Institut métapsychique, un récit de science-fiction, un extrait de l'Histoire naturelle de Pline, en un mot tout texte qui s'écarte de la réalité, volontairement ou non, à quelque titre que ce soit.

La démarche est parfaitement défendable, mais l'ampleur de son libéralisme risque d'appauvrir à l'extrême une notion qui se révèle couvrir un monde immense, hétéroclite. Aucun autre moyen de renseigner sur elle ne subsiste que de préciser ce qu'elle excepte et qui est peu, à savoir la représentation fidèle et adroite des choses et des êtres familiers, car la gaucherie est souvent à son tour estimée source de fantastique [...]

Écrit par :
Roger CAILLOIS : homme de lettres
Jean-Claude ROMER : journaliste, conseiller en recherches cinématographiques, historien du cinéma fantastique
Éric DUFOUR : professeur des Universités, université Paris-Diderot

Roger CAILLOIS, Jean-Claude ROMER, Éric DUFOUR, « FANTASTIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 janvier 2018. https://www.universalis.fr/encyclopedie/fantastique/2-le-fantastique-dans-l-art/

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