Les représentations corporelles dans l'oeuvre de Maurice Carême (Ágnes Tóth)

De Rich Annotator System

L’objet de cette étude porte sur l’œuvre intitulée Médua de Maurice Carême, une nouvelle considérée comme fantastique, commencée en 1950, reprise plusieurs fois et achevée en 1976, deux ans avant la mort de l’écrivain. Le récit intègre les grands motifs fantastiques : l’étrangeté, les rêves prémonitoires, la folie, le dédoublement, la métamorphose[1]. Cette approche d’analyse ne vise pas à démontrer sa catégorisation ; elle se focalise sur le regard qui saisit l’image du corps tout en ouvrant une perspective neuve dans l’interprétation de cette œuvre et tout en essayant de déployer une identification artistique chez l’auteur-narrateur. Le processus métamorphique mis en discours est la transposition du mythe de la Méduse qui soulève des réflexions sur le pouvoir de l’écriture, un pouvoir pétrifiant et cathartique.

L’histoire est racontée à la première personne par le poète Rivière comme narrateur homodiégétique. Suite à une recommandation médicale, il se déplace sur le littoral belge pour se reposer et retrouver l’inspiration artistique. Durant son trajet il croise une femme et un homme qui forment un couple bizarre. Ce sont des illusionnistes qui déclenchent en lui une transformation tant extérieure qu’intérieure. Il se sent attiré par cette femme qui apparaît et disparaît et dont il cherche la présence instinctivement. Dans sa quête perpétuelle, il est témoin d’une métamorphose hallucinante où la femme se transforme en une tête de méduse dont l’apparence regagne progressivement sa forme humaine.

Trois personnages forment un triptyque dans le récit : le je-narrateur, le poète Rivière qui souffre d’un manque d’écriture et d’inspiration, Médua, la femme du couple croisé, et son compagnon, Malbot qui la possède, un prestidigitateur, représentant l’agressivité et la violence.

L’histoire se déroule au bord de la mer, dans le Nord de la Belgique, dans la petite ville de La Panne et dans la villa Méïpe. La mer, les dunes, la plage souvent déserte créent un espace informel, fluide, éphémère, où le je-narrateur se laisse investir et se perdre. Cet espace changeant, cette région frontalière entre la mer et la terre ferme laisse entrevoir la transformation continue tout au long du récit. Contrairement aux précisions géographiques, l’environnement reste vague et indistinct. L’appartement du narrateur, le milieu restreint, constitue également un espace fluide qui « paraissait plongé dans un aquarium rempli de soleil[2] » et qui reflétait la couleur des yeux de Médua, la femme du couple croisé dans le train.

Le paysage est modelé par l’image de la femme qui ne cesse de hanter le poète. Cette présence féminine est suggérée par l’environnement concret : ainsi la décoration et les couleurs du logement portent l’empreinte féminine (couleur rose à la lumière du matin, goût pour l’aménagement). Le je-narrateur reste séduit par Médua, il la cherche continuellement, il la croise fatalement. C’est une poursuite hypnotique du féminin. Les variations de la connexion homme-femme présentes dans le récit sont caractérisées par l’attirance, la séduction, la disparition. C’est comme la poursuite du spectacle de prestidigitation du couple illusionniste ; le poète entre dans le jeu de l’apparition-disparition. Par les reflets qu’ils projettent, les miroirs de l’appartement du poète revêtent un sens symbolique.

Le protagoniste parcourt, en cette recherche, son labyrinthe spatial et humain : il arpente constamment la plage, la digue, les rues, il se noie dans le « ruisseau humain[3] », il se sent incommodé, il aimerait se dissimuler. Le mal-être incessant est compensé et renouvelé par des enfermements dans son appartement ainsi que par des confrontations avec le dehors. Ce mal-être laisse des marques sur le corps du narrateur, signes de destruction et d’altération corporelles (corps amaigri, visage pâle, joues marquées, creusées). « Un soleil exsangue traînait à l’horizon sa face sans chaleur, et mon visage n’était pas moins renfrogné que lui. [4]» Le lieu du spectacle est à l’image du corps, plus précisément à celle du visage, comme une synecdoque du corps humain. Les personnages se transforment tout au long du récit, la recréation du corps reste ciblée sur le visage qui inclut les yeux, surfaces de communication.

Transformation du corps

L’ouverture du récit se réfère déjà au corps du poète : muscle froissé, douleur dans la hanche, avec une insistance sur le verbe souffrir. Les premières impressions faites sur la plage se rapportent également aux corps : « Les vagues enlaçaient, soulevaient, berçaient, caressaient les corps[5]. »

Au milieu de l’histoire se trouve la métamorphose : d’une part, le processus d’animalisation, la femme Médua transformée en méduse, et d’autre part son envers, le processus d’humanisation, la méduse transformée en Médua[6]. La métamorphose est inséparable du corps humain. Les phases successives de la métamorphose, plus précisément les phases de la perception de cette transformation sont représentées par des forces libérées qui deviennent facultés agissantes. En suivant la chaîne décrite par Todorov dans sa théorie sur la littérature fantastique, le rite de transformation peut être considéré comme l’incarnation du désir : adoration, possession, cruauté qui mènent à l’anéantissement[7]. C’est un jeu de jouissance et de violence autour du corps en train de se transformer.

Par des adjectifs qui mettent en évidence lucidité et transparence, l’attirance de Médua se renforce, toute baignée de lumière. La luminosité est un décor permanent du récit. Par exemple : « La mer se mit à resplendir de façon si intense que sa luminosité me pénétra[8] », la plage rayonne, les corps sont ambrés, Médua a « une forme scintillante[9] », et « ses yeux luisaient tels des étoiles[10] » ; sa robe est jaune, phosphorescente ; la méduse a aussi « cette face translucide que pénétrait la lumière[11] ».

Médua ou Méduse est l’image de la femme désirée, qui contrairement au mythe est faible, devient victime. Elle fascine mais elle s’écroule. Sur le feuillet distribué à la plage, Médua s’exclame :

Je viens vous demander de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour m’aider. Je suis si désorientée ! Après l’enlèvement de tous les membres de ma famille, disparus de façon tragique et retrouvés affreusement mutilés, ainsi que vous l’aurez appris par les journaux, je suis folle d’angoisse[12].

Le mythe est inversé. Médua tombe, elle est humiliée : « Je la vis tomber, se relever, retomber [...][13] ». Cette fois c’est elle qui suit le magnétiseur, c’est elle qui est hypnotisée. Elle est une « plaie vivante[14] ». Après sa métamorphose, devenue méduse, installée dans l’appartement du poète, dans une de ses phases d’humanisation, elle admire la gravure sur le mur, le portrait de Hendrickje de Rembrandt. Ce portrait l’attire par la similitude de son vécu de « femme accablée par le sort[15] ».

Le narrateur ne retrouve que la tête de la femme qui est une synecdoque, la partie primordiale de la représentation. C’est le visage qui reste dans la mémoire de l’homme. La tête, le visage confèrent une forme et une signification au corps, ce qui correspond au désir instinctif de l’homme : retrouvant la tête de la femme, pouvoir la posséder.

L’acte de possession du corps de l’autre, de cette femme lumineuse, est déjà exprimé dans l’ouverture du récit : dans le train, la valise du poète avait blessé la tempe de Médua.

« Le train venait de quitter Furnes quand un cahot fit osciller ma valise. Je tentai de la retenir ; une vive douleur au côté freina mon geste. La femme poussa un cri. L’homme se précipita et releva la valise en grommelant. Je les priais de m’excuser lorsque je vis du sang couler sur la joue de l’inconnue ; un coin ferré de la valise lui avait déchiré la tempe[16]. »

C’est une scène de séduction-possession par des signes corporels : le filet de sang, la plaie qui devient un stigmate. Cette blessure assure la crédibilité de l’existence de cette femme. Par cette blessure tout devient « affreusement réel[17] ». Un autre geste de possession : dans la foule rassemblée à la plage, le poète Rivière ose prendre la main de la femme, provoquant ainsi un conflit de jalousie entre lui et Malbot. Par son inaccessibilité, Médua devient illusion. Dans le récit se déroule le passage du corps réel à celui imaginaire. Tantôt Médua ne semble être que le produit de l’hallucination du protagoniste, tantôt, lorsqu’elle est évoquée par les habitants de la ville (son spectacle, son assassinat), son existence est affirmée. À la fin du récit, la femme méduse est possédée par le poète : récupérée à la plage en tant que méduse, avec sa cicatrice visible près de l’œil, elle est transportée et cachée en secret, dans l’appartement du narrateur. Elle est présente, mais hallucinante, elle est la méduse à la tête tranchée, au regard vivace mais sans corps, elle est irréelle mais devient une tête de femme avec un « nez comme en ébauchent les sculpteurs[18] » : transformation de l’état mou à celui, dur, de la sculpture.

La métamorphose d’humanisation de la méduse se déroule progressivement ; c’est en plusieurs phases que se fait la possession du nouveau corps.

Ce n’est peut-être pas une figure humaine, mais elle y ressemble étonnamment.

Le visage est extrêmement aplati et mal accusé. Les cavités ovales semblent fermées par des paupières bordées de cils fins. Le nez est à peine ébauché, et une longue fissure simule la bouche. La chevelure retombe en torsades transparentes qui font penser davantage à des mèches de cheveux coagulés qu’à des tentacules[19].

[...]

Quel trompe-l’œil que cette tête ! De profil, elle ressemblait à une lentille fortement bombée. Pourtant, de face, il n’y avait pas à s’y méprendre : c’était bien une figure humaine. Mon émerveillement n’était pas exempt d’un certain malaise[20]

Mais l’acte meurtrier est inévitable ; la métamorphose conduit à une phase de destruction, même si c’est un processus de suspension de la mort qui assure la possibilité d’une survie[21]. Médua survit sous forme de méduse, le poète tente de sauver Médua-Méduse en la poursuivant, mais elle lui échappe : la dominer serait mettre fin à cette poursuite instinctive.

Les indices de cette atmosphère de mort peuvent être décelés dès le début du récit : ténèbres, quête de l’obscurité, rêve voué à la nuit, cauchemars, sensations d’angoisse. Dans la première partie du récit, l’auteur place trois fragments avec des images répétitives qui relatent le meurtre cruel et inévitable de la femme[22]. Le premier fragment est tiré d’un journal. C’est un article sur la guerre de Corée, sur l’étrange mélopée funèbre des Coréens condamnés à mort : « Lorsque les chants devinrent plus forts, vers minuit, les fantassins américains déclenchèrent un violent tir de mortier pour les faire taire tant cette mélopée leur mettait les nerfs à vif[23]. » Par la suite comme deuxième fragment, le poète Rivière est témoin, dans la nuit vaporeuse, du chant plaintif, morbide de Médua « qui évoquait l’épisode des Coréens encerclés[24] ». Cette fois le chant est interrompu par l’arrivée comminatoire de Malbot. Le troisième fragment est un rêve hallucinant dans lequel le poète devient complice du crime, de la décapitation de Médua. Il condense toutes les expériences : lues dans le journal en tant que lecteur, vécues et vues en tant que sujet, et entendues dans les dunes durant la nuit comme spectateur. Dans son rêve, un soldat coréen intervient, lance la mélopée de la mort, et sous l’influence de ces éléments, le poète désigne l’endroit de la frappe mortelle, il devient acteur de l’acte meurtrier, de l’acte de décapitation de la femme avec une allusion à la méduse : « Ses cheveux répandus autour d’elle ondulaient comme des serpents, et elle poussait des gémissements qui s’accordaient étrangement avec le rythme de la mélopée[25]. »

La simulation de la destruction du corps, cette décapitation, fait partie du jeu des prestidigitateurs. Le poète Rivière participe à un tel spectacle donné par le couple le soir dans un café. La mise en scène de la décapitation de Médua, le corps mutilé, la mise en pièces entraîne pitié et dégoût chez le poète. L’acte est présenté par Malbot qui porte le symbole de l’agressivité, de la brutalité sauvage et monstrueux : « un maillot vert sur lequel était peint un dragon crachant des flammes[26] ». « Il exhibait, avec un sans-gêne déconcertant, ses jambes tordues et son torse difforme comme un tronc mal équarri[27]. »

L’état dégradé du poète, les moments de sa crise représentent également une sorte de mort, de destruction. Il devient étranger à lui-même, il se voit de l’extérieur, il s’interpelle, il passe inaperçu parmi les gens et il perd le pouvoir sur soi, de son propre nom. Les tentatives de créations poétiques avortées, les rimes mortifères « Médua, tua » signalent aussi ce destin.

Presque toujours, le nom de Médua terminait le premier vers. Jusque-là, rien d’anormal. Mais, quel que fût le sentiment exprimé, le mot tua revenait infailliblement à la rime. Tout d’abord, cela ne fit que m’agacer. Je cherchai donc à passer à la seconde strophe et laissai la première inachevée. Toujours, cet accouplement de sons : Médua, tua, me subjuguait[28].

La conversation exceptionnelle au début du récit entre le poète et Médua font également allusion à la mort : « la jeune femme me chuchota des mots que je ne compris pas. Sa voix faisait penser au murmure des vagues quand elles viennent mourir sur le sable de la plage [...][29]. »

Le dernier contact corporel entre le poète et la méduse (« [...] mes lèvres s’étaient tendues vers celles de Médua...[30] ») conduit à l’écrasement de la tête, à l’état inerte de celle-ci : la tête n’a pas de contour précis, il n’en reste « qu’une masse de gélatine visqueuse[31] », soulignant l’état éphémère de cette tête-femme désirée, possédée. À la fin de l’histoire le poète entend sa voix intérieure qui l’accuse de ce meurtre. Il se confond avec l’image de Malbot : « Je l’interpellai. Il se mit à me répondre en imitant si parfaitement ma voix que je crus que c’était moi qui m’interpellais, moi qui me demandais raison de mes propres actes[32]. » Au moment de la confrontation avec Malbot, celui-ci devient une « masse sombre » dans le brouillard, tête sans corps. « La figure grimaçante s’écrasa contre le carreau. [...] Horrifié, je voulus reculer ; tout mouvement m’était devenu impossible. La tête restait là, suspendue dans le vide et paraissait maintenant sans corps, comme celle de Médua[33]. »

La confusion identitaire entre l’assassin et lui-même est l’effet de miroir où le « je » se reconnaît en objet de sa propre perception visuelle ; il est voyant et vu en même temps, il fait partie du visible[34]. C’est le moment final du bouleversement du « moi », il joint les contraires : tendresse et cruauté. Le triptyque se referme : Rivière-Médua-Malbot représentent la recherche et la reconstruction du « moi » en trois références. Le « je » finit par trouver sa place et son expression dans les trois portraits.

Le processus de la métamorphose devient plus complexe : trois portraits s’entremêlent. La séparation spatiale et charnelle dépasse toute limite. La confusion et la fusion de ces trois aspects sont une sorte d’empiètement, de transgression, tout en prenant compte de l’effroi de cette puissance du voyant-vu.

Chant et regard médusant

L’identification comme artiste interpelle l’engagement du poète. L’artiste par sa vocation possède un pouvoir initiatique et un pouvoir captivant. Il est en possession du chant et du regard mortifère. L’artiste affronte le danger de trop voir, le danger d’un trauma pétrifiant. Le désir de découvrir le visage dans sa symbolique, le secret, est au centre de cet engagement. Mais cette volonté, cette proximité-possession, cette fascination risque de s’abandonner au chant et au regard médusant, à la rencontre de la mort. D’où l’effet paralysant de l’écriture qui nous rapproche du mystère de notre caractère mortel et immortel, ce qui constitue le pouvoir pétrifiant et cathartique de l’art.

La voie artistique apparentée à la lecture de ce récit est le chant. Le chant est un lamento plaintif, une sorte de soupir, ancré dans le corps souffrant. Le chant de Médua est déprécié par le jeune public. Le narrateur exprime sa douleur, sa préoccupation quant à l’accueil moqueur de ce chant. C’est aussi la préoccupation de ne pas perdre sa voix (comme l’incapacité d’écrire et le manque d’inspiration) ; rester muet, c’est être privé de liberté, d’action. C’est la mort de l’art qui provoque une sorte de deuil par rapport à la voix créatrice qui s’est tue. « Était-ce le vent qui donnait naissance à cette voix, une voix qui se muait parfois en plainte, une plainte sourde que je cherchais en vain à identifier[35] ? » Sur la place du meurtre où aurait dû être décapitée Médua, le poète se met à chanter avec la Méduse-Médua. C’est le moment de l’identification absolue avec la femme méduse et avec sa mission de poète. Le corps lacéré et la voix entrecoupée se subliment dans le chant.

À part le chant mis en danger par le mutisme, une autre voie s’ouvre devant l’artiste et d’autres dimensions pourront se révéler pour l’analyse de cette nouvelle : la fascination du regard, thème récurrent dans les textes fantastiques[36]. Outre le chant, l’œil procure la communication rassurante entre le poète et Médua-Méduse. L’œil est omniprésent dans le récit : « [...] les yeux de la méduse me paraissaient tantôt attentifs, tantôt détachés de tout[37]. » « [...] je la vis basculer sur elle-même en ouvrant des yeux encore agrandis par l’angoisse[38]. » « Mais comment écrire lorsque, chaque fois qu’on lève la tête, deux yeux vous guettent avec une tendresse voilée de reproche[39] ! » « Est-ce son regard ou le mien qui s’embua[40] ?... » « Je me penchai vers la méduse. [...] deux yeux verts luisaient dans la pénombre[41]. » « Je regardai Médua. Fixés sur l’occident, ses yeux flamboyaient[42]. » « Ses yeux luisaient d’un éclat que je ne leur avais jamais connu, d’un éclat où se mêlait quelque chose d’indéfinissable, quelque chose qui me décontenançait[43]. » « Je vis mon ombre aveugle danser sur le mur et revenir vers Médua dont les yeux étincelaient[44]. » « [...] les yeux se plantèrent dans les miens, et la bouche proféra des paroles dépourvues de sonorité[45]. ». L’œil est à la fois point de contact, lieu de fusion et écran de la création.

Conclusion

Dans notre démarche, nous avons parcouru une analyse de la nouvelle Médua de Maurice Carême mettant l’accent sur les interactions corporelles et leurs représentations dans le discours. Le pouvoir de saisir l’insaisissable et de lui donner forme et corps en tant que création, nous a amenés à la question d’identification artistique, à la réflexion sur la vocation de l’écrivain. Sa vocation est de montrer ce qui ne peut se regarder en face. Le face à face frontale pétrifie ; c’est par l’intermédiaire de l’écrivain que le visage peut être capté, touché. La jouissance et l’effroi devant cette responsabilité sont révélés par la tête de la méduse comme prototype de la représentation captivante, ensorcelante, au regard pétrifiant.

La nouvelle Médua fut éditée en même temps qu’une autre nouvelle intitulée Nausica ; dans celle-ci, la vue et le regard sont au centre du récit, comme son catalyseur. Dans les yeux de Nausica, se mêlent la brillance et l’obscurité, l’adoration et la violence jusqu’à l’anéantissement. Le protagoniste, un peintre est hanté par cette image féminine dont il ne réussit pas à achever le portrait. Les mêmes défis se posent pour le peintre que pour le poète de Médua, à nouveau dans une perspective mythique : faire face à la fascination de l’enchantement.

Ágnes Tóth
Université catholique Pázmány Péter

Notes
  1. Cfr Rodica Lascu-Pop : « Maurice Carême dans l’orbite du fantastique » in : Jacqueline Blancart-Cassou (ed.) La Littérature belge de langue française : Au-delà du réel, Centre d'études littéraires francophones et comparées de l'Université Paris-Nord, Paris : L'Harmattan, 1995 : 121‒126.
  2. M. Carême : Médua, Bruxelles : La renaissance du livre, 1976 : 13.
  3. Ibid.: 31.
  4. Ibid.: 8.
  5. Ibid.: 14.
  6. Cfr Zsuzsa Simonffy dans son étude : La métamorphose mise à l’essai, Attraper ou miner le réel. Elle y examine le processus métamorphique de deux sens. Elle pose la question de l’énigme : « Est-ce la femme qui présente une apparence animale avant de retrouver sa forme humaine ? Est-ce la méduse qui présente une apparence humaine avant de retrouver sa forme animale ? Ou tout simplement comment se fait-il que la femme soit méduse et la méduse soit femme ? » in : Carnets, revista electrónica de estudos franceses, APEF, nº V, mai 2013 : 182 ; consulté le 22 mars 2018.
  7. Tzvetan Todorov : Introduction à la littérature fantastique, Paris : Seuil, 1976 : 142.
  8. M. Carême, Médua, op. cit.: 44.
  9. Ibid.: 23.
  10. Ibid.: 43.
  11. Ibid.: 48.
  12. Ibid.: 15.
  13. Ibid.: 23.
  14. Ibid.: 28.
  15. Ibid.: 53.
  16. Ibid.: 8‒9.
  17. Ibid.: 17.
  18. Ibid.: 58.
  19. Ibid.: 48.
  20. Ibid.: 56.
  21. « En effet la métamorphose, si elle recule la mort, ne l'abolit pas, qu'elle augmente la vie, qu'elle la multiplie ou qu'elle la renouvelle. » Pierre Brunel : Le mythe de la métamorphose, Paris : Armand Colin, 1974 : 171.
  22. Cfr R. Lascu-Pop : « Maurice Carême dans l’orbite du fantastique » op. cit. Dans son étude déjà citée, R. Lascu-Pop donne une analyse de ces trois séquences quant à l’attitude adoptée du je-narrateur.
  23. M. Carême, Médua, op. cit.: Médua 26.
  24. Ibid.: 27.
  25. Idem.
  26. Ibid.: 14.
  27. Ibid.: 15.
  28. Ibid.: 25.
  29. Ibid.: 9.
  30. Ibid.: 81.
  31. Ibid.: 82.
  32. Ibid.: 83.
  33. Idem.
  34. « Il nous suffit pour le moment de constater que celui qui voit ne peut posséder le visible que s'il en est possédé, s'il en est, si, par principe, selon ce qui est prescrit par l'articulation du regard et des choses, il est l'un des visibles, capable, par un singulier retournement, de les voir, lui qui est l'un d'eux. » Maurice Merleau-Ponty : Le visible et l’invisible, Paris : Gallimard, 1964 : 175‒176.
  35. M. Carême, Médua, op. cit.: 44.
  36. « Significativement, toute apparition d'un élément surnaturel est accompagnée par l'introduction parallèle d'un élément appartenant au domaine du regard. » T. Todorov : Introduction à la littérature fantastique, op.cit.: 127.
  37. M. Carême, Médua, op. cit.: 50.
  38. Ibid.: 53.
  39. Ibid.: 55.
  40. Idem.
  41. Ibid.: 67.
  42. Idem.
  43. Ibid.: 81.
  44. Idem.
  45. Ibid.: 83.